Démocratie
En matière de 5G, beaucoup de partis politiques sont sur la même longueur d’onde : il y a urgence à déployer ce réseau en Belgique. Ce constat, impulsé par la communauté européenne, rentre pourtant en contradiction avec le temps nécessaire aux études scientifiques, ce temps est nécessaire pour en démontrer (ou non) l’innocuité, mais il est également nécessaire au « bon » exercice de la démocratie. Si le débat sur les normes d’émissions et le respect du principe de précaution en matière de santé (la doctrine l’associe à l’article 23 de la Constitution belge [1]) concernant la santé occupe, à raison, une bonne partie de la place médiatique, les questions environnementales, sociales et politiques que soulèvent la 5G n’en sont pas moins importantes et relèvent d’un véritable choix de société.
Elles sont pourtant la plupart du temps renvoyées dans l’angle mort, priées de s’effacer devant la marche du progrès (technologique et non social) qui ne serait qu’une évolution naturelle, dénuée de choix politiques et idéologiques. Alors que l’utilité d’un tel réseau demeure plus que floue, on peut constater que ce sont les mêmes exemples d’applications possibles qui sont répétés (télémédecine, voiture autonome, vidéos à haut débit…), tandis que d’autres sont passés sous silence (les applications militaires/ de surveillance), l’argument principal pour son déploiement réside surtout dans le retour sur investissement des sommes colossales qui sont investies tant par le privé que par les pouvoirs publics [2] dans cette nouvelle technologie.
Ces promesses de retombées économiques justifient tous les écarts démocratiques. Par exemple, c’est en plein début de confinement, en mars 2020, que l’IBPT (le régulateur fédéral des télécommunications) a mis en place une consultation sur son projet d’accorder aux opérateurs des droits provisoires d’utilisation de nouvelles fréquences pour la 5G. Par cette initiative, l’IBPT passait outre l’impossible mise aux enchères des bandes de fréquence dédiées à la 5G, faute d’un accord entre les gouvernements fédéral et régionaux. Cette administration fédérale qui régule le marché des communications électroniques et le marché postal n’est non seulement pas qualifiée pour anticiper les effets sanitaires, environnementaux et sociaux du déploiement de la 5G, mais semble, de surcroît, entretenir des liens plus qu’étroits avec les opérateurs de téléphonie mobile.
Lorsqu’une résistance s’organise, en Europe et en Belgique, sous diverses formes (manifestations, pétitions, appels divers, recours en justice …), ces oppositions sont systématiquement minimisées, caricaturées et discréditées par les promoteurs de la 5G qui n’y voient qu’une démonstration d’ignorance. Les oppositions à la 5G ne seraient le fait que de groupes de personnes ne disposant pas de la bonne information. Selon ce point de vue, le rôle des pouvoirs publics ne serait pas d’organiser un débat démocratique sur les nombreuses questions en suspens, mais d’initier un travail pédagogique. En d’autres termes, de se limiter à expliquer et à convaincre comme le ferait toute bonne politique de marketing [3].
Nous pensons que, la 5G devrait, au contraire, être mise à l’agenda d’un véritable débat public et démocratique dont les modalités seraient conçues par les citoyen·ne·s, les associations et les expert.es indépendant.es à tous les niveaux de pouvoir, y compris communal. Nous rappelons l’engagement international pris par la Belgique en signant la convention d’Aarhus visant l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. [4]
[1] « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment […] la protection de la santé […] le droit à la protection d’un environnement sain […] le droit à l’épanouissement culturel et social »
[2] D’ici 2025, ce sont 515 milliards d’euros d’investissements qui seront nécessaires pour l’ensemble de l’Union européenne pour parvenir à l’objectif d’orienter l’Europe vers une « société numérique ». Le Pacte National Stratégique d’Investissement Belge consacre quant à lui 47 milliards dédiés à la transition numérique d’ici 2030.
[3] L’Europe va même plus loin et se réserve en cas d’échec de la communication à faire usage de la répression. Ainsi le 09 juin 2020, le Conseil des ministres nationaux des télécommunications des États membres de l’Union Européenne adopte un document, « Façonner l’avenir numérique de l’Europe », qui stipule : « dans le contexte de la diffusion de nouvelles technologies telles que les 5G/6G, il est important de préserver la capacité des services répressifs, des services de sécurité et du pouvoir judiciaire à exercer efficacement leurs fonctions légitimes ; en tenant compte des lignes directrices internationales relatives aux effets des champs électromagnétiques sur la santé ; notant qu’il est important de lutter contre la diffusion de fausses informations sur les réseaux 5G (...) ».